Faites la connaissance d’Alexei Moshkov et de Misako Akama

Le Belgian National Orchestra travaille avec deux Konzertmeister, en alternance. Alexei Moshkov, originaire d'Ouzbékistan, a récemment fêté ses 25 ans dans l’orchestre. Misako Akama, du Japon, entame sa troisième saison. Entretien avec ces deux Konzertmeister !


Comment êtes-vous arrivés au Belgian National Orchestra ?

Misako Akama : J'ai étudié au conservatoire de Paris de 2013 à 2019 et ensuite au conservatoire de Cologne jusqu'à 2021. Parallèlement aux études et au travail du 1er violon solo à l'orchestre des lauréats du conservatoire à Paris, j'ai cherché un emploi dans une région francophone. Un jour, je me suis retrouvée à Bruxelles, où j'ai vu par hasard une affiche du Belgian National Orchestra. C'était ma première rencontre avec l'orchestre ! J'ai passé l'audition en 2021 et depuis, je fais partie de l'orchestre. J'ai déjà énormément appris en quelques années.

Alexei Moshkov : J'ai passé l'audition en 1998. Avant cela, j'ai travaillé en France pendant trois ans, dans un sextuor à cordes. Acquérir de l'expérience en tant que Konzertmeister n'est pas facile. Lorsque j'ai commencé ce travail, tout était très nouveau pour moi. Heureusement, de nombreux collègues étaient là pour m'aider. J'ai été très bien accueilli au cours de mes premières années ici, ce qui était très sympathique. Je tiens à remercier encore une fois mes collègues musiciens pour cela !


Alexei, comment l’orchestre a-t-il évolué au fil des ans ?

Alexei Moshkov : L'orchestre est un organisme vivant en constante évolution. D’une part, parce qu'il est composé de personnes qui vont et viennent. Plus de la moitié des membres de l'orchestre sont aujourd'hui des personnes qui ont commencé après moi. Mais d’autre part, le chef d'orchestre est très déterminant aussi. Le premier avec lequel j'ai travaillé était Yuri Simonov. Il a mis l'orchestre au point pour interpréter de grandes œuvres symphoniques de Richard Strauss, Chostakovitch et Tchaïkovski, entre autres. Puis est arrivé Mikko Franck. Avec lui, nous avons joué toutes les symphonies de Sibelius, ainsi que beaucoup d'œuvres d'Einojuhani Rautavaara, un compositeur contemporain finlandais qui était une connaissance personnelle de Mikko Franck. Sa sonorité est plus transparente, polyphonique et linéaire. Ensuite, c’est Walter Weller qui a été chef d'orchestre, de 2007 à 2012 – un homme brillant ! Il a été Konzertmeister de l'Orchestre philharmonique de Vienne et a pris une direction plus classique en interprétant des symphonies de Schubert, Schumann et Brahms. La musique française comme celle de Ravel et de Debussy lui tenait également à cœur. Ainsi, un orchestre évolue constamment dans sa sonorité, comme un organisme vivant.


Quels concerts attendez-vous avec le plus d’impatience ?

Misako Akama : Le concert Tristan und Isolde, en début décembre sera particulièrement passionnant ! Nous jouerons un arrangement de Henk de Vlieger, dont nous avons déjà joué l'arrangement de Die Meistersinger von Nürnberg il y a deux ans. Ce fut une expérience fantastique, d'autant plus qu'Antony Hermus qui dirigera également Tristan und Isolde, a une large connaissance de la musique de Wagner. J'attends également avec impatience d'entendre le pianiste Kirill Gerstein au concert du 17 décembre. Le précédent concert qu'il a donné avec nous, il y a un an et demi, sous la direction de Thomas Adès, a été très inspirant. Kirill Gerstein est un musicien très ouvert à l'expérimentation. Avec lui, on ne s'ennuie jamais quand on joue ensemble !

Alexei Moshkov : J'attends avec impatience le Messie de Haendel, que nous jouerons le 12 novembre. Pour un orchestre symphonique comme le nôtre, plus habitué à jouer, par exemple, des symphonies de Mahler, ce choix peut sembler étrange à première vue. Le Messie est l'œuvre la plus romantique de Haendel, avec un grand chœur et des solistes. S'il y a une musique de Haendel que nous pouvons interpréter, c'est bien celle-là. Ce sera une expérience très intéressante pour notre orchestre d'interpréter l'opus magnum de trois heures de Haendel à Bozar ! D'autre part, j'attends avec impatience la Troisième symphonie de Carl Nielsen, dirigée par Michael Schønwandt le 24 novembre. Cette musique est tout à fait dans les cordes de ce Danois. C'est un spécialiste de la musique de Carl Nielsen. Et le contact entre Michael Schønwandt et l'orchestre est également très bon !


Misako, comment caractériseriez-vous nos trois chefs d’orchestre permanents ?

Misako Akama : Antony Hermus est un communicateur hors pair. Il s'adresse à tous les musiciens, ce qui crée un lien très fort. C'est un cadeau de l'avoir comme chef d'orchestre ! En ce qui concerne Roberto González-Monjas, notre premier chef invité, je le trouve très attentif à ce qui se passe sur scène, tout en étant clair dans ses idées musicales. Cette saison, il donnera un concert avec nous au cours duquel il interprétera en soliste un concerto pour violon de Mozart et le dirigera lui-même. J'attends cela avec impatience ! Michael Schønwandt, chef d'orchestre associé, a une personnalité très chaleureuse. On ne peut s'empêcher de l'admirer pour sa chaleur, son humanité, mais aussi pour son souci du détail et sa grande connaissance du métier. Oui, ce sont trois personnalités très différentes, qui font grandir l'orchestre chacune à leur manière.


Vous avez vous-même étudié à Moscou, Alexei. Le Belgian National Orchestra joue encore beaucoup de musique russe malgré la guerre en Ukraine. Que pensez-vous de cette situation ?

Alexei Moshkov : En effet, nous jouerons bientôt la Huitième symphonie de Chostakovitch. C’est une musique qui dénonce haut et fort l'injustice qui s'est produite à l'époque : l'oppression des gens, le régime totalitaire. Dans cette œuvre, Chostakovitch pose des questions universelles, les mêmes que Shakespeare et Sophocle. Seul le langage diffère. Il en va de même pour Prokofiev, Khatchatourian, et j'en passe, toute la pléiade de compositeurs russes. C'est maintenant justement que nous devons continuer à interpréter ces œuvres !


Que faites-vous en dehors de la musique ?

Misako Akama : Quand j'ai le temps, j'aime bien me plonger dans un livre pendant deux à trois heures. Cela me détend énormément car ça me permet de m’évader dans un autre monde. J’alimente même un compte Instagram (anonyme) avec les livres que je lis. Le livre que je lis actuellement ? 1Q84 de Haruki Murakami !

Alexei Moshkov : Je suis originaire d'Ouzbékistan, qui faisait autrefois partie de l'Union soviétique et qui est aujourd'hui un pays indépendant. Lorsque je ne suis pas occupé par la musique, j'aime beaucoup préparer des plats traditionnels de mon pays d'origine. L'Ouzbékistan a une cuisine très riche et délicieuse. Presque tous les hommes savent cuisiner !
 

Plus d'informations sur le concert 'le Messie' le 12 novembre.
Plus d'informations sur le concert 'Tristan und Isolde' le 17 décembre.


par Mien Bogaert