Interview Hans Waege

PROMISED LAND

Avec le retour de la guerre en Europe, le thème Promised Land de cette saison prend une tout autre dimension. Du jour au lendemain, nous avons réalisé qu’un concept tel que celui de la « Promised Land » ne jaillit pas de nulle part, mais voit souvent le jour dans un contexte d’extrême urgence. Au moment où cette brochure part à l’impression, un nouvel exode, une nouvelle vague de réfugiés s’amorcent. Beaucoup se dirigent vers un lieu où la vie sera forcément meilleure, loin de la guerre et des ruines.

Alors que les pages sombres de l’histoire se répètent, malgré des milliers d’années de civilisation, nous pouvons considérer que les expériences migratoires, outre une souffrance intense, engendrent également une puissance créatrice et une identité constructive. Les œuvres interprétées cette saison par le Belgian National Orchestra sont, pour la plupart, le résultat d’un déménagement forcé ou non, d’un exode vers une Promised Land. Des compositeurs sont partis à la recherche d’autres horizons et ont voyagé, riches de leur culture d’origine, pour s’imprégner de nouveaux éléments afin de créer une œuvre qui résonne encore aujourd’hui et nous interpelle. Avec l’art, c’est une nouvelle dimension qui s’ajoute à la Promised Land.
 

Les temps forts du programme

Cette saison, nous explorons d’abord les racines bibliques de la Promised Land avec une composition d’Ernest Bloch : Schelomo. À celle-ci succède un classique, la Neuvième Symphonie de Dvořák, dite « Du Nouveau Monde ». Les États-Unis ont longtemps représenté une Promised Land pour de nombreux compositeurs européens dont Kurt Weill, dont nous programmons les Four Walt Whitman Songs. À Serge Rachmaninov, le compositeur qui tenta sa chance en Amérique après la Révolution russe, nous consacrons un festival entier.

Pourtant, tout n’était pas rose de l’autre côté de l’Atlantique : pour la communauté afro-américaine dont les ancêtres furent forcés de traverser l’océan, la notion de « Promised Land » garde un arrière-goût amer. Dans ce contexte, nous sommes fiers de présenter des œuvres notamment signées Antony Davis et George Walker.

Un autre peuple passant toujours à côté de la Promised Land et confronté à un exode éternel est celui des Roms. Aucune musique n’a cependant influencé plus profondément l’histoire de la musique que celle des Tziganes, comme en témoignent notamment les Danses hongroises de Brahms et la Rhapsodie roumaine de Georges Enescu.

Un grand concert de flamenco offrira l’occasion de nous remémorer l’apogée arabo-islamique d’Al-Andalus. La culture du flamenco illustre de toute évidence comment un exode effacé par le temps continue d’exercer son influence et d’inspirer de nouvelles œuvres d’une puissance inédite. Les identités sont enrichies par les échanges, par l’ouverture à « l’autre ».
 

Bienvenue à Antony Hermus

Au niveau de l’orchestre à proprement parler, on peut s’attendre cette saison à quelques grands changements. Tout d’abord, nous accueillons le Néerlandais Antony Hermus au poste de futur directeur musical, dont la personnalité musicale extrêmement talentueuse s’enrichit également d’un grand engagement sociétal.

Faire les choses bien, c’est faire les choses en équipe. Outre Antony Hermus, notre maison s’allie à deux autres talents exceptionnels : le très expérimenté chef danois Michael Schønwandt et le jeune innovateur Roberto González-Monjas au poste de premier chef invité. En outre, nous programmons quelques débuts captivants, parmi lesquels celui d’Eva Ollikainen, de Karin Hendrickson et d’Anja Bihlmaier.


Des solistes de premier plan

Je suis particulièrement heureux d’avoir pu engager pour vous, cette saison encore, les plus grands solistes. Le coup d’envoi sera donné lors du concert d’ouverture par la star américaine du violon Hilary Hahn. La soprano Angela Gheorghiu, le baryton Thomas Hampson et la violoniste Arabella Steinbacher ne sont qu’une poignée de noms parmi ceux qui jalonnent cette brochure. Le label « Young Golden Star » désigne des talents déjà remarqués depuis longtemps à l’étranger que la Belgique se doit de découvrir d’urgence : on y trouve la violoncelliste belge Camille Thomas, Alexandre Kantorow et le jeune violoniste suédois Daniel Lozakovich.

Je me réjouis tout particulièrement d’annoncer pas moins de seize concerts à l’étranger cette saison, en plus des concerts en Belgique. Une tournée prestigieuse en Grande-Bretagne avec le pianiste Paul Lewis, une autre en Espagne avec escales à Madrid et Barcelone, des concerts dans des lieux de rêve tels que la Philharmonie de Paris et la Großes Festspielhaus à Salzbourg témoignent de la renommée de notre orchestre.  Il est agréable de constater que la qualité que nous produisons ici à Bruxelles est accueillie à bras ouverts par la scène internationale.

Innovation et tradition, notre identité
Notre futur directeur musical donne le coup d’envoi de son mandat avec une œuvre belge de Wim Hendrickx et dirigera, plus tard dans la saison, la création mondiale de la Première Symphonie de Jean-Luc Fafchamps. Un geste fort : son mandat fera la part belle à des œuvres belges contemporaines.

L’innovation se glissera aussi au niveau de nos productions, avec notamment le nouveau spectacle Nuclear Age pour lequel la plasticienne Eva L’Hoest a conçu une œuvre vidéo en collaboration avec notre orchestre et l’ONDRAF. Quatre œuvres musicales du vingtième siècle sont le point de départ de sa réflexion sur l’ère nucléaire et notre consommation énergétique gigantesque.

Cette saison, nous introduisons aussi quelques nouveaux formats de concert. Dans le cadre de la série Film Symphonic, nous présentons des classiques du 7ème art avec de la musique live. Les curateurs de cette série ne sont autres que Frank Strobel et Dirk Brossé, deux experts dans ce domaine. Quant à la formule Symphonic Hours, elle consiste en des concerts plus courts sans pause le vendredi soir.

Dans la hâte de découvrir, avec vous et tout au long de notre saison, cette fameuse « Promised Land » !