Faites la connaissance d’Olsi Leka et Dmitry Silvian

Dans le précédent numéro, nous vous présentions les deux Konzertmeister du Belgian National Orchestra. Cette fois-ci, rencontrez nos deux violoncelles solo, Olsi Leka et Dmitry Silvian !

Quel est votre parcours musical ?
Dmitry Silvian : Je suis né à Odessa, en Ukraine, où j’ai commencé mes premières années de violoncelle à l’école de musique de Stoliarsky. Puis j’ai continué pendant 8 ans à l’école de musique du conservatoire de Saint-Pétersbourg, avant de déménager à Paris à mes 15 ans. Là-bas, j’ai terminé mes études et j’ai joué à l’Opéra de Paris, avant de passer plusieurs concours et auditions d’orchestre. Plus tard, j’ai travaillé pendant un an et demi en Chine, en tant que violoncelle solo dans l’Orchestre symphonique de Suzhou, près de Shanghai, qui venait tout juste d’être créé. Ensuite, je suis revenu en France, j’ai refait de nombreux concours et j’ai débarqué ici, à Bruxelles, début 2020. Olsi y a sans doute été pour quelque chose, en votant pour moi lors de l’audition – il le regrette peut-être maintenant… (rires)

Olsi Leka : Pour ma part, je suis originaire de Tirana, en Albanie, où j’ai fait mes études primaires et secondaires, puis je suis venu à Bruxelles pour étudier au Koninklijk Conservatorium de Bruxelles (KCB), ainsi qu’à Cologne en Allemagne. La dernière année de mes études, j’ai présenté l’audition au Belgian National Orchestra, alors que je n’avais pas encore terminé, et j’ai eu ce poste – c’est d’ailleurs la seule audition de ma vie ! J’ai donc terminé mes études, et j’ai commencé en septembre 2005. Depuis, j’enseigne en tant que professeur au KCB. Je joue également en dehors de l’orchestre, en récital surtout.

Vous êtes tous les deux chefs de pupitre des violoncelles. Quel est le rôle du chef de pupitre comparé au Konzertmeister ?
Olsi Leka : Le chef de pupitre est, à l’instar du Konzertmeister, la personne qui se trouve à l’avant du groupe et qui prend l’initiative pour interpréter les gestes du chef d’orchestre, ses exigences et sa vision de l’œuvre, et traduire le tout en musique. Évidemment, ça se fait ensemble, en groupe, mais c’est au chef de pupitre que revient cette responsabilité. On s’occupe des annotations, des coups d’archet, de l’équilibre dans le jeu, etc. On organise le pupitre par production, aussi, pour avoir le bon nombre de musiciens en fonction du programme. On suit le recrutement des externes, les auditions, le travail administratif. Et c’est à nous d’assurer les passages solo. En somme, c’est nous qui supervisons l’équipe et qui faisons en sorte qu’elle fonctionne bien dans les circonstances particulières de chaque concert.

Le 21 janvier, le BNO proposera le Concerto pour violoncelle n° 2 de Haydn. Que pouvez-vous nous dire sur cette œuvre, considérée comme l’une des pièces phares du répertoire classique pour le violoncelle ?
Dmitry Silvian : J’ai beaucoup d’expérience avec ce concerto, car c’est une œuvre imposée dans tous les concours et auditions, et c’est l’une des pièces majeures de l’époque classique. Pour moi, c’est un véritable bijou. Il a été écrit quand le concerto est devenu une véritable forme musicale, avec un soliste assumant pleinement son rôle et une écriture à la fois extrêmement complexe, mais tellement fine et transparente. Le soliste joue tantôt avec l’orchestre, tantôt en opposition à l’orchestre. C’est aussi un exercice de prudence : si l’on s’écarte d’un millimètre, n’importe quel amateur ou critique peut l’entendre. C’est une œuvre absolument magnifique, et des rumeurs disent qu’elle ne proviendrait peut-être pas de Haydn, car l’écriture n’est pas typique de ce dernier et aurait été influencée par son ami et élève Mozart, autre grand représentant de l’Ecole de Vienne. C’est un concerto qui regorge de brillance et de joie, même dans son deuxième mouvement, qui n’est pas triste mais plutôt contemplatif. Et la tonalité, ré majeur, est celle qui est la plus ouverte et qui révèle le violoncelle dans toute sa splendeur harmonique.

Ce concerto sera interprété par votre confrère Victor Julien-Laferrière, premier prix du Concours Reine Elisabeth en 2017. Qu’est-ce que ça vous inspire de jouer cette œuvre avec lui, en sachant qu’il l’a jouée lors de la demi-finale du concours ?
Olsi Leka : Je pense que c’est un des violoncellistes montants de la scène internationale, c’est un grand talent et quelqu’un de très créatif. C’est toujours un plaisir, et en plus il est très sympathique. Tous ces solistes ayant gagné le concours et jouant avec le BNO gardent un lien très particulier avec nous. Émotionnellement, ça reste quelque chose d’important : Bozar et le BNO, c’est le point de départ de leur carrière.

Dmitry Silvian : Victor et moi avons étudié ensemble à Paris. Je n’ai pas encore eu beaucoup l’occasion de jouer avec lui, hormis lors du Prélude à la Fête nationale en juillet dernier. Donc ça me fait plaisir de rejouer avec un de mes camarades de classe !

Quelques semaines plus tard, le 23 février, c’est le fameux Concerto pour violoncelle d’Elgar que la jeune Anastasia Kobekina interprètera à vos côtés. Un programme totalement différent ?
Dmitry Silvian : Oui, Anastasia Kobekina est une violoncelliste russe proéminente de la jeune génération, elle a d’ailleurs gagné le Concours international Tchaikovsky. C’est une violoncelliste assez incroyable, très ambivalente et elle joue beaucoup de styles : de Bach à Shostakovich, en passant par Elgar.

Olsi Leka : Et entre Haydn et Elgar, c’est un mode d’expression totalement différent ; leurs langages reflètent l’évolution de la société entre les 130 ans qui les séparent. Haydn, c’est la dentelle, la finesse…

Dmitry Silvian : …tandis qu’Elgar creuse dans la « chair » du violoncelle, avec des accords et des harmonies très complexes, notamment dans le final.

Olsi Leka : C’est une autre recherche sonore, et le jeu avec l’orchestre est différent : chez Elgar, qui est plus romantique, il y a un échange plus élaboré, plus profond, dans lequel l’orchestre joue un rôle important aux côtés du soliste.

Quels concerts attendez-vous avec le plus d’impatience dans les mois à venir ?
Dmitry Silvian : Ça nous fait toujours plaisir d’accompagner nos collègues dans des concerti, car l’accompagnement est un art à part entière, mais il y a aussi des œuvres symphoniques intéressantes dans lesquelles on est beaucoup plus impliqués, et qu’on ne pouvait réaliser en temps de pandémie. Par exemple, le 14 avril, on joue la Sixième symphonie de Mahler, qui est assez rarement jouée vu l’effectif requis – y compris le fameux coup de marteau, qu’on peut voir dans beaucoup de vidéos et qui a déjà provoqué quelques accidents… On s’attend à des surprises !

Et c’est vrai que la programmation est assez variée, notamment avec des ciné-concerts comme Joker le 25 avril, dans lequel le violoncelle est aussi mis à l’honneur…
Dmitry Silvian : La compositrice (Hildur Guðnadóttir, ndlr) est violoncelliste et a composé le thème du film pour cet instrument. Sa musique a même fait le tour du monde et a notamment reçu un Oscar. Le violoncelle y est déployé dans une recherche sonore représentant la folie du personnage : on joue sur une note tout en cherchant divers tons et sons pour refléter le délire…

Olsi Leka : Je sens que Dmitry a envie de faire ce solo… (rires)

Durant les concerts, vous êtes très souvent amenés à jouer l’un à côté de l’autre, et on voit que vous êtes très complices. Comment vous décririez-vous l’un l’autre ?
Olsi Leka : On s’entend très bien, et ça vient naturellement, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres orchestres. Chez nous, on est très solidaires, on partage les mêmes valeurs, la même vision, donc Dmitry a vite trouvé sa place. Et depuis qu’il est là, je me sens aussi très bien soutenu, je sais que je peux lui faire confiance.

Dmitry Silvian : Quand Olsi n’est pas là, j’essaye de garder son état d’esprit que j’aime beaucoup. Il est très rigoureux sur l’approche technique, mais toujours très positif et bienveillant envers le groupe. Je suis très content de partager le pupitre avec lui !

Par Thomas Clarinval

 

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